Raffaello Vanni était l’un des fils du célèbre Francesco Vanni (1564-1610), l’artiste majeur à Sienne dans cette fin du seizième siècle, mais ayant tout juste quinze ans à la mort de son père, il ne put guère profiter de son enseignement. C’est principalement à Rome que le jeune artiste fit son apprentissage, auprès d’Antonio Carracci, et au contact des nouveautés introduites par Caravage et les bolonais Carrache, Reni ou Dominiquin. Par la suite, il se montrera sensible à l’influence de Pierre de Cortone, important le baroque à Sienne, dont il devint à son tour le principal artiste. Il est probable que durant son apprentissage chez Antonio Caracci il regarda également les nombreux monuments et sculptures antiques de la Ville Eternelle et il n’est pas impossible que nous soyons ici face à une de ces études, bien que nous n’ayons pu identifier le modèle (la tête ressemble malgré tout à la Vénus du Capitole).
Les dessins actuellement identifiés de Raffaello Vanni sont majoritairement à la plume et encre brune, parfois avec rehauts de gouache blanche. Dans son monumental répertoire, Pittori senesi del Seicento, Sienne 2010, Marco Ciampolini reproduit une sanguine conservée à Amsterdam, sainte Catherine soutenue par un ange et une religieuse (Historisch Museum, A-18079, vol.III, tav.521). Par sa monumentalité, notre figure rappelle (préfigure ?) les Sybilles peintes à fresque dans les églises Santa Marta (1622) et San Sebastiano in Vallepiatta (contrada della Selva) à Sienne. Nous remercions Marco Ciampolini pour son courriel du 28/02/2018 : « per me potrebbe davvero essere un disegno di Raffaello Vanni, quando in gioventù studiava i classici antichi nella bottega di Antonio Carracci ».
Après un apprentissage à Bruxelles et Anvers, sa maitrise dans la représentation des chevaux et des paysages ayant traversé les frontières, van der Meulen est appelé à Paris par Charles Le Brun. Il est en charge d’immortaliser l’image du roi, et suit Louis XIV dans tous ses déplacements, y compris les guerres, et sera titré « peintre ordinaire des Conquêtes du Roy ». Ce dessin rapide, manifestement un croquis pris sur le vif, ne semble pas avoir été employé dans une composition plus aboutie.
Le modèle, né en 1705, est ici représenté l’année de ses soixante ans, qui est aussi l’année de son second mariage avec Octavie Belot, auteur de nombreux ouvrages sur l’histoire de l’Angleterre et d’essais polémiques. Figure en vue de la noblesse de robe parisienne, Durey de Mesnières fut président de la deuxième chambre des Enquêtes au Parlement de Paris, et un des farouches adversaires du pouvoir royal, ce qui lui valut, ainsi qu’à d’autres parlementaires, d’être exilé à Moulins (1732), puis à Bourges. Il publie, sous couvert d’anonymat, avec l’avocat Louis-Adrien Le Paige, une Histoire de la détention du Cardinal de Retz (1755), qui se voulait une violente critique de l’arbitraire monarchique. C’était également un homme érudit, possédant une des plus belles bibliothèques juridiques de son temps, correspondant avec Voltaire et apprécié de Diderot.
L’année où il réalise ce portrait, Frey est à l’apogée de son art, reçu membre associé de l’Académie de Saint-Luc, et surtout peintre de Mesdames, filles de Louis XV, en remplacement de La Tour. Après des débuts modestes à Strasbourg dans les années1740, Frey est à Paris à partir de 1754, travaillant pour les Bâtiments du Roi à copier les portraits officiels, ce qui lui procure rapidement une habileté technique, qui lui permet d’accéder à la charge prestigieuse de peintre de Mesdames. Il sera également peintre du duc de Deux-Ponts en 1776 et 1777.
Anciennes collections Philippe de Chennevières (marque Lugt n°2072 en bas à gauche), et Albert Finot (marque AF en bas à droite, pas dans Lugt), comme Vien.
Au Salon de 1791, le dernier auquel il participât, Jollain présenta six tableaux, dont un Œdipe aveugle conduit par Antigone, aujourd’hui disparu, et dont ce dessin garde probablement la trace. Le sujet est tiré de la vie du mythique roi de Thèbes, qui après avoir découvert qu’il a tué son père et épousé sa mère, se crève les yeux et est chassé de Thèbes par ses fils. Il s’appuie sur Antigone, sa fille, qui le conduit en Attique où il sera l’hôte de Thésée, qui le protègera jusqu’à ce qu’il meure, à Colone, près d’Athènes.
Nicolas-René Jollain fut élève de Jean-Baptiste Marie Pierre, le Premier Peintre du Roi, et obtint le deuxième prix de Rome en 1754, derrière Chardin fils. IL fut agrée à l’Académie le 31 décembre 1765, et reçu académicien le 3 juillet 1773, sur le charitable Samaritain (église Saint Nicolas du Chardonnet, Paris). En 1788, il est nommé garde du musée du Roi. Il participe au Salon dès 1767, et ce régulièrement jusqu’en 1791, chaque exposition comportant plusieurs envois. Il travailla pour la Maison du Roi (frappement du rocher, Salon de 1783, Paris, église Saint Eustache), mais aussi pour la chapelle de Fontainebleau (Jésus au milieu des docteurs, Salon de 1781), et aussi pour la Chartreuse de Paris (entrée du Christ à Jérusalem, Salon de 1771, esquisse au Musée Carnavalet).
L’usage du lavis gris et brun est fréquent chez notre artiste ; il en joue pour creuser les drapés, ou pour agiter d’une tempête préromantique les arbres qui peuplent ses paysages, dans lesquels se meuvent les héros de la tragédie grecque. Jollain, premier maître de Girodet, est aussi l’auteur d’un Bélisaire (Salon de 1767, Dartmouth Collège), dont s’inspira Jacques-Louis David.
Malgré l’importance de sa production, la biographie de Trinquesse est encore très mystérieuse. On le suppose d’origine bourguignonne, fils d’un peintre de portraits élève de Nicolas de Largillierre mais établi en Flandres, et inscrit à l’académie de La Haye en 1768, puis à celle de Paris en 1769, où il remporte une première médaille en octobre 1770. Il refusa, semble t’il à plusieurs reprises, d’intégrer la prestigieuse Académie royale de peinture et de sculpture, qui lui aurait ouvert les portes des Salons, préférant exposer au Salon de la Correspondance de 1779 à 1793, et au Louvre en 1791 et 1793 (ces deux derniers Salons étant ouverts à tous les artistes, académiciens ou non). Sa dernière œuvre connue est datée de 1797, et on situe son décès vers 1800. Il est aujourd’hui connu essentiellement pour ses magnifiques sanguines à sujets féminins, datables entre 1778 et 1780, pour lesquelles on sait qu’il fit appel à trois modèles, Marianne Frammery, Louis Charlotte Martini, et Nicolle Elisabeth Bain, mais ce fut également un admirable peintre de portraits et de scènes de genre, et il dessina aussi des petits portraits circulaires, d’une précision de graveur, sur le prototype mis à la mode par Charles-Nicolas Cochin ou Augustin de Saint Aubin, et dont nous présentons ici un bel exemple, dans son cadre d’origine.
Hans Garnjobst étudie la peinture décorative à Bâle de 1879 à 1881, avant d’intégrer à Paris le cours de Jean-Léon Gérôme (1824-1904) à la prestigieuse Ecole des Beaux-Arts de Paris, de 1881 à 1883, date à laquelle il part en Italie (principalement Florence, Rome, Naples) jusqu’en 1889, année de son retour à Bâle (à nouveau pour une période de trois ans). A partir de 1889, il se partage entre sa maison de Minusio, dans le Tessin, et Paris en hiver. Il se fixe définitivement à Paris en 1935. En 1886, il envoya trois œuvres (151 Fantaisie ; 152 Paysage romain, aquarelle ; 154 Tête de vieil homme, aquarelle) à une exposition itinérante en Suisse (exposition de la Société Suisse des Beaux Arts ; dans le catalogue de l’étape zurichoise, il est qualifié de « Hans Garnjobst aus Basel in Rom »). En 1898, Emile Hinzelin, le critique de la revue La Lorraine-Artiste du 16 janvier, rendant compte d’une exposition de peinture à Bâle, remarque « Hans Garnjobst, qui restitue aux femmes leur physionomie d’attention un peu étonnée ». Il participa à l’Exposition Internationale Universelle de 1900 à Paris en présentant trois œuvres, Ma Mère, Epoque primitive, Matinée d’automne, à Locarno-aquarelle (respectivement n°71, 72, 73, du catalogue officiel qui le présente comme « élève de M. Gérôme », il était alors domicilié 12 rue Boissonnade à Paris). En 1901 il eut une exposition personnelle à Munich, et en 1909, il était prêteur à la 8ème Biennale de Venise d’une Léda, œuvre de son ami Albert Besnard (1849-1934, n° 28 du catalogue). Les œuvres que nous présentons, dont certaines sont signées, ou annotées par la femme de l’artiste (Rosalie Moglia, 1888-1972, dont il aura une fille Hélène, 1916-1999), datent pour la plupart du séjour en Italie du Sud, vues de Pompéi ou de la baie de Naples.
Le dictionnaire Thieme-Becker indique que notre artiste débuta dans un style tributaire de son concitoyen Arnold Böcklin (1827-1901), pour évoluer, sans doute à la suite de son séjour parisien, vers l’art de Puvis de Chavannes (1824-1898) ou d’Albert Besnard (un ami de Garnjobst, rappelons-le). Rien de tout cela n’apparaît dans les œuvres que nous présentons, qui nous paraissent éventuellement plus proche d’un autre concitoyen, et contemporain (les deux artistes exposaient ensemble à Bâle en 1898), le tessinois Augusto Giacometti (1877-1947). Mais surtout, en regard de la peinture française, très en avance par rapport à l’explosion colorée des Fauves.
The attribution of this drawing to Domenico Piola, probably the most prolific Genoese draughtsman of his period, can be made at first glance, and is supported by the existence of a signed and dated 1677 altarpiece still in its original location in the Santissima Annunziata oratory in Spotorno (near Savona) representing The Virgin and Child appearing to the saints Francis of Assisi and Anthony of Padua; the comparison with the preparatory drawing, kept in the Palazzo Rosso of Genoa, invite us to date both of them of the same period. Piola painted to altarpieces for Spotorno, the first being an Assumption dated 1664, still in-situ. The church was ornated over fifteen years with a series of canvases with marial subjects, by various Ligurian artists, starting with Giulio Benso in 1659. Compared to the painting, our drawing shows a very different composition, the Virgin being in profile and no more facing, no more Christ child in her arms, and just to saint Francis of Assisi, giving him the string to replace the leather belt, that was to be used by all the branches of the minor brothers order.
Pierre noire avec un peu de sanguine pour l’oreille et la bouche et le contour des yeux, et à peine perceptible sur le visage. Il y a des rehauts de blanc sur la partie gauche du front, le bord du col, sur l’arrête du nez, et deux petites taches sur l’oreille. La pierre noire est aussi utilisée pour suggérer une ombre sur le côté droit s’élevant obliquement en partant de l’épaule avant de s’arrêter. Le papier est beige clair et les angles sont irrégulièrement abattus.
Provenance : vente Paris Enchères, Paris, Hôtel Drouot, 13 mars 2019, n° 17 (« école florentine du XVIIème siècle »)
Ce portrait dessiné est une œuvre inédite de la prime jeunesse de Bernini. Il doit être antérieur à son Autoportrait des Uffizi [fig.1], avec lequel il a d’importants points communs. Quoi qu’il en soit, il est dessiné avec moins d’assurance, et est moins achevé. Le point commun le plus significatif est le dessin de l’oreille qui est exceptionnellement détaillé dans ce dessin mais diffère de l’oreille de l’autoportrait de façon que, comme l’autre oreille, cela semble une étude d’après nature d’une partie du corps à laquelle il est habituellement accordé peu d’attention. Il n’y a que deux autres exemples d’oreilles visibles dans les portraits dessinés de Bernini - une dans le portrait d’un homme âgé avec une moustache et un bouc blanc en collection privée à New York; l’autre chez Colnaghi en 1993 . Aucune des deux œuvres ne peut être datée avec précision mais la première a probablement été produite avant 1625, et la seconde un peu plus tard. Les autres portraits connus - tous des modèles masculins- ont les oreilles cachées par la chevelure.
Le traitement des yeux des deux modèles révèle le soin attentif apporté par Bernini à cet élément crucial pour la réussite de tout portrait. Dans cet exemple précoce, Bernini a placé les yeux dans une cavité ovale évoquée avec une ligne sur le bord inférieur de la paupière, mais seule la craie blanche à côté de la pupille et éventuellement un peu de blanc sur la paupière de l’œil à gauche, définit l’œil. L’œil à droite du dessin a une ligne courbe de craie brune sous l’arcade sourcilière qui semble trop nette pour Bernini mais la même craie est utilisée pour les narines. Il y a un sourcil bien défini au dessus de cet œil, mais celui au-dessus de l’autre œil est à peine visible, peut-être endommagé par frottement. Pour finir, les pupilles sont correctement placées pour nous faire croire que le modèle nous regarde. Dans son autoportrait, Bernini n’a cependant pas réussi le raccourci de l’œil sur notre droite – il aurait dû être un peu plus petit et moins ovale.
Le nez dans notre dessin est magnifiquement réalisé : l’ombre sur son côté droit définit sa longueur et quelques traces de craie blanche définissent sa largeur. Les narines sont des indications rouge-brun au bon endroit, mais la bouche semble trop petite. La moustache et le petit bouc manquent également du brio de la pierre noire décrivant les cheveux du modèle. Peut-être ont-ils été dessinés en l’absence du modèle. Pour finir, le côté le plus éloigné du visage du modèle est défini par une ligne de contour presque invisible.
Une différence importante entre des deux dessins concerne un élément que d’autres artistes dessinant des portraits de trois-quarts ratent souvent, en méjugeant la proportion entre la tête et le cou et les épaules qui la portent. Dans ce dessin le cou semble trop court et les épaules pas assez larges pour correspondre à la taille de la tête. Le traitement par Bernini du col et des épaules dans son propre portrait est de proportions plus généreuses. Son cou et son menton sont au-dessus du col et son traitement plus adroit du raccourci nous autorise à imaginer les formes et la partie supérieure du torse. Et une différence finale,- le dessin de jeunesse est aux trois crayons mais Bernini les utilise avec un plus grand effet pour son propre autoportrait.
La découverte de ce dessin nous permet d’observer Bernini apprenant à dessiner la tête et le torse d’un modèle masculin avant qu’il commence à le faire en trois dimensions. Le modèle inconnu qui posa patiemment pour le génie adolescent était peut-être un ami de la famille. Son petit col blanc et sa veste boutonnée impliquent qu’il avait une certaine éducation, peut-être un jeune ecclésiastique.
Ann Sutherland Harris
Professor Emerita, University of Pittsburgh
Nous proposons d’attribuer ce croquis très épuré à Nicolas Poussin. Probablement fragment d’une feuille plus grande, il s’agit très certainement de la copie d’un motif antique que nous n’avons pu identifier. La ligne ferme, interrompue par endroits, et cette façon très rapide d’indiquer les yeux juste par un trait se retrouvent dans certains dessins des années 1635-1637 : Un homme soignant un lion (Orléans, musée des Beaux-Arts, voir Pierre Rosenberg et Louis-Antoine Prat, Nicolas Poussin 1594-1665, catalogue raisonné des dessins, t. I, Milan, Leonardo, 1994, no 130), Feuille d’études d’après l’antique et inspirée par la lecture de Pline (Paris, collection Prat, voir Rosenberg-Prat, op. cit., no 131, qui évoquent « la fermeté de la plume, la façon elliptique dont les personnages sont décrits »), Le Satyre et le Paysan (Paris, collection privée, Rosenberg-Prat, op. cit., no 192), ou encore le Christ et saint Pierre (Saint-Pétersbourg, Ermitage, Rosenberg-Prat, op. cit., no 244). Le fait que ces exemples soient des copies d’après des monuments antiques (et nous ne les avons pas tous cités) nous conforte dans l’hypothèse que notre croquis copierait aussi quelque détail d’une mosaïque ou d’un bas-relief.
Le Retour de la conférence représente le point culminant de la période anticléricale et anti-académique de Courbet, qui en 1862-1863 compose aussi une toile intitulée La Source d’Hippocrène, dans laquelle la personnification de la source mythique se met à vomir. Il s’agit là d’un acte de dépréciation du goût académique ou ingresque, imbu de vénération pour une chaste antiquité, alors que le premier tableau critique le clergé et sa collaboration avec Napoléon III. Courbet commence à peindre la version définitive de ce grand tableau en décembre 1862, ce qui résulte d’une lettre au peintre Léon Isabey : « Dans ce moment je fais un tableau capital pour l’exposition prochaine. Ce tableau fait rire tout le pays et moi-même en particulier. C’est le tableau le plus grotesque qu’on aura jamais vu en peinture. » À ses parents, il confie de plus que ce sera une œuvre d’opposition politique. La tradition veut que le sujet du Retour de la conférence ait été inspiré au peintre par Pierre-Joseph Proudhon, que Courbet connaissait au moins depuis 1847. Il manque cependant un document qui fasse état de cette hypothèse. C’est plutôt le philosophe qui s’avère influencé par le peintre. Le 9 août 1863, Proudhon écrit : « Je suis accroché en ce moment par un travail sur l’art […]. C’est à propos du dernier tableau de Courbet, les curés, exclu de l’Exposition. » Courbet séjourne en Saintonge en 1862-1863. En dépit de ce déplacement, on se trouve bien, dans le tableau comme dans la présente aquarelle, devant un paysage franc-comtois marqué par les raides falaises de calcaire qui caractérisent la région natale de Courbet et de Proudhon. Le centre de la composition est formé par un groupe de curés enivrés, dont le plus gros est monté sur un âne, ce qui représente, de plus, un persiflage de l’entrée de Christ à Jérusalem ; derrière ce groupe se tiennent trois autres prêtres, eux aussi en état d’ébriété. De part et d’autre, des villageoises et des paysans, dont l’un se tord de rire. Or, le tableau en question n’existe plus. Prévu pour être exposé au Salon de 1863, il fut refusé pour avoir insulté l’Église catholique ; il ne fut même pas accepté au Salon des refusés, institution créée cette même année à l’initiative de l’empereur. Courbet en fit pourtant la propagande et le fit graver ; un exemplaire de la gravure est conservé au département des Estampes de la BnF. Il existe aussi deux esquisses peintes, une au musée de Bâle et l’autre dans une collection particulière, ainsi qu’un dessin, au musée Courbet d’Ornans, réalisé d’après le tableau par une main inconnue. En outre, Courbet produisit après coup toute une série de Curés en goguette, gravée sur bois de bout et publiée à Bruxelles en 1868 (rééditée en 1884). Quant au tableau lui-même, après avoir été vendu fin 1881 à l’hôtel Drouot puis accueilli dans la galerie Georges Petit, il passa, vers la fin du siècle, dans les mains d’un catholique scandalisé qui l’acquit pour l’anéantir aussitôt. On en a pourtant gardé la photographie. Pour déterminer le rôle du présent dessin dans ce contexte, il faut d’abord souligner qu’il est signé « Courbet » et daté de « Juin 1862 », et cela bien dans la couche des couleurs de l’aquarelle, dont le trait, surtout dans le paysage, est très proche de ce que l’on connaît chez Courbet (quoiqu’on ait peu d’aquarelles de sa main, mis à part quelques dessins au lavis). Peut-être est-ce Corot, que Courbet a rencontré en Saintonge, qui l’a invité à s’essayer à cette technique ? Quoi qu’il en soit, il n’y a aucune raison de contester que l’esquisse primitive soit bien de la main de Courbet. Mais quelle était la fonction de cette esquisse, très vivante et magistralement colorée, dans le processus de la genèse du tableau ? Déjà la perfection du paysage, où l’on découvre des arbres, un château fort, une église et plusieurs figures minces dans le fond (détails d’ailleurs différents du tableau), suggère que cette feuille n’avait pas la fonction d’un dessin préparatoire mais, étant donné les différences par rapport au tableau, qu’elle n’était pas non plus un simple dessin fait après coup. Ensuite, outre le trait frais et généreux du paysage et des soutanes, qui correspond bien à la manière de Courbet, on trouve des traits autrement plus détaillés et pointus, marquant les visages. Cette minutie est étrange chez Courbet qui, loin de cerner méticuleusement les mines, les fait vivre par la couleur même : il ne dessine pas, il peint la physionomie. En termes d’attribution, il faut conclure, au vu de cette particularité, que les visages ont été repris par une autre main dont le souci était de préciser la mimique des acteurs. Quelle peut être la raison d’une telle manipulation ? Apparemment, le deuxième dessinateur a travaillé ainsi pour reproduire le tableau par la gravure : il a voulu « perfectionner » la composition dans ce but. Néanmoins, ce dessin n’est pas à l’origine de la seule gravure existante reproduisant cette scène. En atteste par exemple dans l’aquarelle, pour n’évoquer qu’un seul détail, le curé à l’extrême droite qui a perdu son chapeau : c’est un vieillard perruqué, au sourire innocent, alors que le personnage correspondant dans le tableau et la gravure est plus jeune, d’allure plus rustique et à la mine plutôt grognonne. On peut donc admettre que le dessinateur zélé dont il est question fut un concurrent du graveur finalement choisi. Pour conclure, il s’agit incontestablement d’une esquisse de Courbet, datant du séjour saintongeais, mais dont les visages ont été retouchés plus tard par un tiers en vue de garantir la parfaite compréhension du sujet et des caractères.
Pier Leone Ghezzi, fils et petit-fils de peintre reçut sa première formation de son père, établi près d’Ascoli Piceno dans les Marches, acquérant ainsi une grande maîtrise technique, tout en se livrant déjà à la caricature, qui deviendra son activité essentielle, et pour laquelle il est essentiellement connu aujourd’hui, dans la seconde partie de sa carrière. Au cours des deux premières décennies du dix-huitième siècle, il travailla principalement pour le pape Clément XI Albani, marchigian comme lui, tout d’abord à la chapelle familiale à Saint-Sébastien-hors- les-Murs, puis, avec d’autres artistes, sur les deux principaux chantiers publics, le décor des nefs de San Clemente (1716) et de Saint-Jean-de –Latran (1718). Après la mort du pape en 1721, l’artiste s’affranchit progressivement de la tradition académique et se rapproche du milieu français, autour du cardinal Melchior de Polignac, ambassadeur de France. Notre dessin, manifestement fragment d’une composition plus grande, nous introduit dans l’atelier d’un portraitiste dont on comprend au premier regard que, comme son modèle, il s’agit d’un nain. Le jeu serré de hachures, ainsi que l’aspect caricatural du dessin, nous incitent à proposer une attribution à Pier Leone Ghezzi, dont on connaît bien le talent satirique s’exprimant dans ses portraits des personnages de la société romaine, ou bien des étrangers de passage dans cette ville. S’il privilégie dans ces dessins la représentation d’une seule figure, on connaît cependant des feuilles avec plusieurs personnages. On connaît également une caricature de Bouchardon modelant un buste, conservé à la Biblioteca Apostolica Vaticana au vatican (cf Edouard Kopp, « A new portrait of Pier Leone Ghezzi by Edme Bouchardon », in Master Drawings, volume LIII, number 4, 2015, pp. 481-484, fig.4) de facture assez proche.
Fils de maîtres plâtriers landais, le jeune Despiau vient en 1891 tenter sa chance à Paris et intègre l’année suivante l’Ecole nationale supérieure des arts décoratifs, puis en 1895 l’Ecole des Beaux-Arts, dans l’atelier du sculpteur Barrias qui lui apprend la technique de la taille directe sur pierre. Malgré quelques succès d’estime et sa participation au Salon des Artistes Français (de 1898 à 1900), c’est plutôt une période de « vaches maigres » que connait le jeune artiste, jusqu’à ce qu’en 1907, Rodin, ayant remarqué une des ses œuvres au salon de la nationale des Beaux Arts (un buste en plâtre), lui propose de devenir un de ses praticiens, ce qui lui assure des revenus réguliers, mais aussi des commandes inespérées (en 1912 un monument pour Buenos Aires, des portraits). Après la guerre, c’est un nouvel essor pour les commandes officielles, et sa ville natale lui demande en 1920 le monument aux morts. Il réalise encore des portraits, mais n’expose plus au Salon, mais seulement en galerie. En 1923, il fonde, avec Maillol, Bourdelle et Wlérick, le Salon des Tuileries. Il expose pour la première fois à New York en 1927, puis en 1937 à l’Exposition Universelle au Petit Palais, 52 œuvres, véritable consécration. Il s’éteint en 1946 dans son atelier parisien. Malgré une désaffection critique, liée sans doute à de mauvais choix pendant l’Occupation, il reste un des grands sculpteurs de la première moitié du vingtième siècle, avec Maillol et Bourdelle, eux aussi tenants d’un certain classicisme heureux, parfois qualifié de « retour à l’ordre ».
Ce dessin très abouti est selon nous préparatoire à une médaille (nous reproduisons ici l’exemplaire conservé à Washington,National Gallery of Art, Samuel H.Kress Collection, 1957.14.1040) d’Alfonso Ruspagiari (1521 – Reggio-Emilia – 1576) représentant Camilla Ruggeri (vers 1550-1617). On connaît un autre dessin d’Orsi ayant servi à Ruspagiari, un dessin de femme en buste que le médailleur a transformé en autoportrait (cf. cat .exp. Lelio Orsi, Reggio Emilia, 1987-1988, fig. 147 a et b). La ville de Novellara avait obtenu de Charles Quint en 1533 le privilège de battre monnaie, et à partir de 1571, Alfonso Ruspagiari, issu de la noblesse locale, fut le surintendant de cette monnaie. Nous ne connaissons pas de document attestant que Lelio ait travaillé pour lui, mais en revanche nous savons qu’il est appelé le 2 décembre 1567 à Reggio Emilia pour fournir les dessins pour des vases d’argent destinés au duc Alfonso II d’Este ; le 12 décembre 1569, Gian Antoni Signoretti (autre médailliste), écrit au comte Alfonso Gonzaga, seigneur de Novellara, qu’il fera fondre à la monnaie de Novellara des médailles sous la direction de Lelio Orsi (« li faro fare in disegno, overo Vostra Signoria li facia fare a messer Lelio vostro ») ; le 18 décembre, nouveau courrier au même comte pour décrire les monnaies qu’il entend battre à Novellara et propose de lui en envoyer les dessins, à moins qu’il ne préfère les demander à Orsi (« segondo parà a messer Lelio vostro »). Tous ces documents, publiés in extenso dans le catalogue de l’exposition de Reggio Emilia (op. cit., pp. 287-288, documents n°s 194, 201, 202)attestent donc d’une activité de Lelio Orsi vers d’autres domaines que la peinture, de même qu’il est admis qu’il a pu fournir des modèles à des sculpteurs et des architectes (voir en dernier lieu les actes du colloque qui s’est tenu en 2011-publiés en 2012- à Novellara, Orsi a Novellara. Un grande manierista in una piccola corte). Le style graphique d’Orsi de ces années-là correspond bien, par son graphisme serré et son réseau de hachures, à celui de notre dessin, dont l’aspect plus raffiné s’explique par sa destination de modèle pour un autre artiste. La Galleria Estense de Modène possède dans ses collections une gravure, dont aucune autre épreuve ne semble connue ( inv.R.C.G.E.3687), ainsi que la planche de cuivre (inventaire R.C.G.E. 3500, dimensions 17, 8 x 11, 4 cm), reproduisant intégralement notre dessin. Cette gravure porte le monogramme AH, correspondant à Hans Amman, actif à Nuremberg au début du dix-septième siècle. Nagler (Die Monogrammisten, Münich 1858-1879) mentionne cette gravure, et propose de l’identifier à une certaine « Madame Leberwurst ». Nous ne pouvons expliquer comment cet artiste a pu connaître notre dessin, ni comment cette gravure (et sa matrice) est arrivée à Modène.
Jean Chauvin est considéré comme un des pionniers de la sculpture abstraite, grâce à son œuvre de 1909 intitulée La Toilette, en ébène du Japon. Cette œuvre est aujourd’hui conservée dans une collection suisse, cf Paul Mas, « Chauvin sculpteur », Paris 2007, n° 2 du catalogue raisonné, pp.54/55. C’est en 1908 que ce jeune charentais arrive à Paris et s’inscrit à l’école des Arts décoratifs, puis ensuite à l’école des beaux Arts, dans l’atelier d’Antonin Mercié, où il restera jusqu’en 1915. De 1913 à 1920, il expose au Salon d’Automne et aussi à celui des Indépendants, tout en assistant Joseph Bernard (notamment pour la taille de la Frise de la danse, aujourd’hui au musée d’Orsay). Devenu sociétaire du Salon d’Automne, il y expose deux sculptures en 1928. Cette même année a lieu sa première exposition personnelle à la galerie Au Sacre du Printemps, qui deviendra la galerie Jeanne Bucher, qui l’exposera jusqu’en 1947. Il se lie d’amitié avec Robert Rey, qui deviendra directeur des Arts plastiques en 1944, et avec Jean Cassou, fondateur du Musée National d’Art Moderne. En 1935 il réalise une grande sculpture pour le paquebot Normandie, et en 1937 d’autres œuvres pour l’exposition Universelle. Après la guerre, il expose dans diverses capitales européennes, et la reconnaissance ultime a lieu en 1962, il est choisi pour représenter la France à la Biennale de Venise. En 1976, il fait don de 162 maquettes de ses sculptures au Musée national d’Art Moderne. Chauvin partageait son temps entre son atelier de Malakoff, où il modelait ses maquettes et dessinait, et les six autres mois de l’année à Port -des- Barques où il sculptait. Parallèlement à son œuvre sculpté, Chauvin a beaucoup dessiné (un millier d’œuvres environ), mais à priori aucun de ses dessins n’est préparatoire à une sculpture, et on ne décèle pas d’évolution stylistique flagrante. On s’accorde à penser que ces dessins datent d’après la guerre.
Jean Chauvin est considéré comme un des pionniers de la sculpture abstraite, grâce à son œuvre de 1909 intitulée La Toilette, en ébène du japon. Cette œuvre est aujourd’hui conservée dans une collection suisse, cf Paul Mas, « Chauvin sculpteur », Paris 2007, n° 2 du catalogue raisonné, pp.54/55. C’est en 1908 que ce jeune charentais arrive à Paris et s’inscrit à l’école des Arts décoratifs, puis ensuite à l’école des beaux Arts, dans l’atelier d’Antonin Mercié, où il restera jusqu’en 1915. De 1913 à 1920, il expose au salon d’automne et aussi à celui des indépendants, tout en assistant Joseph Bernard (notamment pour la taille de la Frise de la danse, aujourd’hui au musée d’Orsay). Devenu sociétaire du salon d’Automne, il y expose deux sculptures en 1928. Cette même année a lieu sa première exposition personnelle à la galerie Au Sacre du Printemps, qui deviendra la galerie Jeanne Bucher, qui l’exposera jusqu’en 1947. Il se lie d’amitié avec Robert Rey, qui deviendra directeur des Arts plastiques en 1944, et avec Jean Cassou, fondateur du Musée National d’Art Moderne. En 1935 il réalise une grande sculpture pour le paquebot Normandie, et en 1937 d’autres œuvres pour l’exposition Universelle. Après la guerre, il expose dans diverses capitales européennes, et la reconnaissance ultime a lieu en 1962, il est choisi pour représenter la France à la Biennale de Venise. En 1976, il fait don de 162 maquettes de ses sculptures au Musée national d’Art Moderne. Chauvin partageait son temps entre son atelier de Malakoff, où il modelait ses maquettes et dessinait, et les six autres mois de l’année à Port –des- Barques où il sculptait. Parallèlement à son œuvre sculpté, Chauvin a beaucoup dessiné (un millier d’œuvre environ), mais à priori aucun de ses dessins n’est préparatoire à une sculpture, et on ne décèle pas d’évolution stylistique flagrante. On s’accorde à penser que ces dessins datent d’après la guerre.