GALERIE RATTON-LADRIÈRE

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VIERGE ALLAITANT L’ENFANT JÉSUS
Espagne ou Vice-Royauté du Pérou ?
XVIe SIÈCLE

Albâtre, partiellement doré
Dimensions : h : 17 cm ; l : 13 cm

Bibliographie comparative :  
Rosario Coppel, From father to son : two alabaster reliefs of the Madonna and child by Felipe Bigarny and Gregorio Pardo, Jaime Eguiguren Studies, Buenos Aires, 2018.  
  Cette petite plaque en albâtre représentant la Vierge allaitant l’enfant Jésus pourrait tout autant être une œuvre espagnole de la fin du XVIe siècle qu’une sculpture réalisée au Pérou à la même époque, pendant la vice-royauté espagnole. Le modèle est en partie inspiré d’une estampe d’Albrecht Dürer datée de 1519, La Vierge allaitant l'Enfant Jésus (Bartsch 36). L’Espagne du XVIe siècle compte plusieurs artistes ayant travaillé l’albâtre mais celui qui se détache et se rapproche le plus de notre œuvre est Gregorio Bigarny ou Vigarny, nommé plus communément Gregorio Pardo. Cet artiste originaire de Burgos se serait installé à Saragosse à l’âge de 19 ans où il apprit auprès de Damian Forment la technique de travail sur albâtre. Après cet apprentissage il rentre chez lui à Burgos pour s’installer définitivement à Tolède après 1537 où il fonde une famille. Il travaille avec Alonso Berruguette à la cathédrale de Tolède et plus particulièrement à la sculpture des stalles du chœur. Notre plaque est un objet de dévotion privée dont quelques rares pièces de qualité sont passées sur le marché de l’art.

Epiméthée et Pandore
FRANCE – XVIIIe SIECLE

Terre-cuite
H : 32,4 cm ; l : 17 cm ; p : 11,5 cm

Le titan Épiméthée, frère de Prométhée, représenté ici avec sa masse lui ayant permis son combat avec les dieux, est accompagné de son épouse Pandore. Cette dernière remet dans la hotte du titan le vase confié à sa garde par Hermès. Elle vient de l’ouvrir, répandant sur la terre tous les maux qu’il contenait. Epiméthée, dont la traduction du nom veut dire « qui réfléchit après coup », a le regard dans le vide et la main sur le front en constatant, un peu tard, le désastre qui se répand, son frère Prométhée l’ayant pourtant prévenu. Le lierre sur la colonne pourrait être le symbole de ces maux, mettant à mal la structure même du pilier. Ici, l’artiste a choisi un sujet peu répandu faisant de cette œuvre soit un projet pour une commande bien précise que nous n’avons pas localisé, soit une œuvre d’étude réalisée dans un atelier au début du XVIIIe siècle en France.

ALLÉGORIE DE LA CHARITÉ
ATTRIBUÉ À GIOVANNI BELLANDI
CONNU À PARTIR DE 1608 - MILAN - 1626

Terre cuite  
Hauteur : 31,7 cm
Largeur : 37,7 cm
Profondeur : 4 cm

La figure féminine entourée de trois enfants dans des attitudes dynamiques représente, comme il est d’usage, l’allégorie de la Charité chrétienne. La scène se déroule dans un paysage auquel font cadre deux arbres, l’un vivant, l’autre mort, qui font allusion, selon une iconographie assez répandue, à l’opposition entre la vie spirituelle en religion et la mort de l’âme hors d’elle.  
Un relief de marbre du Massacre des innocents de composition similaire se trouve dans les dédales de la toiture du Duomo de Milan. Publié par Rossana Bossaglia en 1973 (Rossana Bossaglia, « Scultura », dans Il Duomo di Milano, II, Milan, 1973, p. 163, fig. 222) et plus jamais pris en considération dans les études depuis, ce relief montre une figure assise entourée de trois enfants occis par les sbires d’Hérode représentés dans des poses ébouriffées de la même manière. Par ailleurs, la grande croix qui occupe toute la partie gauche de la composition suggère que, à travers l’épisode du massacre, soit illustrée une allégorie de la Foi chrétienne. Ce bas-relief se trouve dans une zone actuellement non visitable ; d’après la mauvaise photographie disponible, il semblerait d’un auteur différent, mais donne toutefois une première indication du contexte dans lequel situer le créateur de la terre cuite en examen. Par ailleurs, l’idée d’un rapprochement étroit entre les deux œuvres comme faisant partie d’un même projet réalisé par divers artistes cherchant à représenter les Vertus théologales (Foi, Espérance, Charité) doit rester dans le domaine des hypothèses.  
À première vue, La Charité trouve des équivalents immédiats dans la peinture lombarde des premières décennies du xviie siècle : l’agitation de la composition, avec les putti dans des poses acrobatiques, semble venir directement des tableaux de Morazzone (1573-1626), de Cerano (1573-1632) ou de Daniele Crespi (1598-1630) encore jeune ; la physionomie expressive des visages rappelle en particulier ceux peints par Cerano, tandis que, pour la façon dont est conçue la coiffure, agrémentée de rubans et de voiles, l’auteur semble avoir à l’esprit le langage sophistiqué de Giulio Cesare Procaccini (1574-1625).  
À partir de la deuxième décennie du xviie siècle, dans la mouvance de l’école de sculpture du Duomo de Milan, s’affirme une nouvelle génération de sculpteurs particulièrement sensibles aux accents expressifs mis en scène par les peintres contemporains. Ces derniers quant à eux sont souvent directement impliqués dans le monde des arts plastiques : depuis 1598, Camillo Procaccini (1546-1626) fournit des modèles graphiques aux sculpteurs et aux graveurs (pour un résumé de ces activités, voir Susanna Zanuso, « The “Crucifixion” and the “Last Supper” : Two Bronzes by Francesco Brambilla for Milan Cathedral », dans The Burlington Magazine, vol. CLVII, no 1352, novembre 2015, p. 767 et note 20) ; Giulio Cesare Procaccini commence sa carrière artistique comme sculpteur avant de passer définitivement à la peinture (Giacomo Berra, L’attività scultorea di Giulio Cesare Procaccini : documenti e testimonianze, Milan, 1991) ; Cerano, auteur lui aussi d’œuvres plastiques parmi lesquelles les stucs de 1601-1603 d’une des chapelles de l’église de Santa Maria presso San Celso, finira à partir de 1629 par superviser tous les travaux de sculpture de la cathédrale, réalisant, entre autres, les splendides cartons des reliefs des portes de la façade, qui seront traduits en marbre par Andrea Biffi (vers 1580-1630), dernier représentant de sa génération, et les plus jeunes, Giovan Pietro Lasagna (mort en 1658) et Gaspare Vismara (mort après 1651) (voir Rossana Bossaglia et Mia Cinotti, Tesoro e Museo del Duomo, II, Milan, 1978, p. 28, cat. 205-213 ; pour Cerano sculpteur : Marco Tanzi, « La “Madonna” di San Celso e una proposta per Cerano scultore », dans Prospettiva, no 78, 1995, p. 75-83 ; Paola Venturelli, « Aggiunte e puntualizzazioni per Giovann Battista Crespi detto il Cerano a Milano : disegno e arti della modellazione », dans Arte cristiana, vol. XCII, no 826, 2005, p. 57-67).  
Parmi les sculpteurs de ce contingent particulier, l’excentrique Giovanni Bellandi semble le meilleur candidat comme auteur de la Charité. En 1619, de son vivant donc, il est ainsi décrit par le connaisseur d’art Girolamo Borsieri : « Giovanni Bellano [per Bellandi] haveva già nome tra gli scultori principali ed attendeva alla loro professione ma pare che voglia imitare Giulio Cesare Procaccino curando più tosto il pennello che lo scalpello » (Girolamo Borsieri, Il Supplemento della nobiltà di Milano, Milan, 1619, p. 66) [« Giovanni Bellano [pour Bellandi] avait déjà un nom parmi les sculpteurs principaux et s’appliquait à cette profession, mais il semble qu’il voulait imiter Giulio Cesare Procaccini, soignant plus le pinceau que le ciseau »].  
Artiste dont on sait très peu de chose et sur lequel manque une étude monographique récente, Bellandi a à son actif seulement quatre marbres identifiés avec certitude et entièrement autographes – trois au Duomo et un à la chartreuse de Pavie –, tous d’une telle qualité visionnaire et d’une telle audace de composition par rapport à ceux de ses contemporains qu’ils s’imposent vivement à notre attention. Jusqu’à présent, en revanche, aucun modello de terre cuite n’avait été identifié. On ignore tout de sa formation, et les premiers documents qui attestent de sa présence parmi les sculpteurs du Duomo en 1608 semblent confirmer son absence du chantier avant cette date (Archivio della Veneranda Fabbrica del Duomo di Milano – dorénavant AVFDMi –, Ordinazioni Capitolari, 21, fol. 161v.).  
Mort en 1626, encore jeune étant donné que l’aîné de ses fils avait alors seulement 10 ans (AVFDMi, c.139/12, n.3), il avait pourtant réussi à acquérir un prestige particulier auprès de ses contemporains, malgré la brièveté de son activité. En plus de ses œuvres, au moins deux événements jamais cités dans les sporadiques mentions modernes sur l’artiste nous renseignent sur ses mérites : en septembre 1621, il fut chargé de l’estimation à Piacenza des ornements en bronze du piédestal de la Statue équestre de Ranuccio Farnèse de Francesco Mochi (M. De Luca Savelli, « Regesto », dans Francesco Mochi 1580-1654 in occasione delle mostre per il quarto centenario della nascita, Florence, 1981, p. 124), et en 1624-1625 il fut l’instigateur, avec l’ingénieur Giovanni Paolo Bisnati, d’une enquête sur les actes de Fabio Mangone, ingénieur alors en poste auprès de la Fabbrica del Duomo de Milan (Milan, Biblioteca Ambrosiana, cod. S 123 sup.).  
Ses œuvres les plus connues sont des reliefs pour la ceinture du chœur du Duomo, comme les Scènes de la vie de la Vierge, marbres dont il est impossible de sous-évaluer l’originalité ainsi que la syntonie frappante avec la peinture de Cerano et ses émules lombards. Sont entièrement autographes les reliefs de La Déposition du Christ (1617-1619) et des Noces de Cana (1620-1623). Une intervention marginale (1621-1623) est attestée dans La Naissance de Jésus que Marco Antonio Prestinari avait laissée inachevée à sa mort en 1621, tandis qu’à son tour Bellandi mourut avant de terminer L’Érection de la croix, achevée par Gaspare Vismara (AVFDMi, c.139/12 ; et AVFDMi, Mandati, ad annum). Beaucoup plus compliqué est le destin critique de la première œuvre attestée par les documents : le grand et surprenant Saint Michel et le Démon, aujourd’hui placé dans la chapelle de San Giovanni Bono. D’abord considéré comme sculpture de Bellandi dans la littérature artistique, depuis l’époque du déjà cité Girolamo Borsieri (1619) jusqu’à l’ouvrage fondamental d’Ugo Nebbia sur les reliefs du Duomo (Ugo Nebbia, La scultura nel Duomo di Milano, Milan, 1908, p. 220), l’œuvre aux « caratteri estremamente moderni » suscita en 1973 « qualche perplessità » à Rossana Bossaglia qui opta en 1978 pour son attribution à un artiste de la fin du xviiie siècle, tout en attribuant à Bellandi un autre Saint Michel et le Démon conservé dans les réserves du Museo del Duomo : une idée contraire à toutes les preuves documentaires, qui toutefois a trouvé de nombreux partisans jusqu’à une date récente (Bossaglia 1973, op. cit., p. 160 note 66 et p. 163 note 96 ; Bossaglia-Cinotti, 1978, op. cit., p. 27, cat. 187, fig. 199). Récemment, en effet, l’identification du Saint Michel de Bellandi à la sculpture sur l’autel de San Giovanni Bono, citée à partir de 1611, a été confirmée par Giulio Bora (Giulio Bora, « Giovanni Stefano Montalto e la grafica », dans Giovanni Stefano e Giuseppe Montalto, due pittori trevigliesi nella Lombardia barocca, actes du colloque, Treviglio, Auditorium del Centro Civico Culturale, 12 avril 2014, sous la direction d’Odette D’Albo, Milan, 2015, p. 64-65), qui pense également que Bellandi, peintre ainsi que sculpteur selon le texte de Borsieri, peut être « verosimilmente » identifié au « Maestro del San Sebastiano Monti », peintre dont la personnalité artistique a été reconstituée seulement récemment (voir Francesco Frangi, Daniele Crespi. La giovinezza ritrovata, Milan, 2012, p. 72-85, fig. 37-49). En attendant que Giulio Bora publie, comme prévu, les résultats de ses recherches sur ce sujet, on ne peut qu’être d’accord avec le fait que les sculptures de Bellandi partagent avec les tableaux du Maestro del San Sebastiano Monti « il sofisticato linguaggio di Giulio Cesare Procaccini insieme a evidenti tratti tipologici e espressivi ceraneschi, tutti intesi in un’accezione affatto personale » [« le langage sophistiqué de Giulio Cesare Procaccini et d’évidents caractères typologiques et expressifs de Cerano »].  
Tandis que l’identification des statues Sainte Cécile et Saint Théodore commandées par la cathédrale en 1610-1612 est incertaine, la dernière œuvre de notre sculpteur dont on soit sûr, par ailleurs la seule réalisée hors de la capitale du duché, est L’Assomption de la Vierge de la chartreuse de Pavie de 1616, tellement semblable aux figures qui apparaissent dans les reliefs de la ceinture du chœur milanais qu’il n’y a pas de doute sur son attribution (Susanna Zanuso, « La scultura del Seicento negli altari del transetto », dans AA.VV., La Certosa di Pavia, Parme, 2006, p. 188).  
Ayant reconstruit à grands traits les points sûrs de la carrière artistique de Giovanni Bellandi, il reste à confronter La Charité avec les autres œuvres. La ressemblance est frappante entre le profil de cette dernière et celui du Saint Michel du Duomo : tous deux caractérisés par l’attache sans courbure du nez au front et la partie inférieure du visage de proportions réduites ainsi que le menton en pointe, avec la bouche très petite à la lèvre supérieure proéminente. On peut aussi observer comme la volute circulaire formée par le drapé sur le flanc droit de La Charité trouve un équivalent précis dans le motif sculpté sur le flanc du Saint Michel ; dans ce cas le reste du manteau s’ouvre en éventail, solution audacieuse et inédite dans la sculpture en marbre de ces années, et, dans ce détail également, l’analogie est claire avec le manteau de La Charité qui se gonfle sur le fond du relief. Dans les deux œuvres, le même objectif est évident, à savoir reproduire les effets expérimentés dans la peinture contemporaine, mais le sculpteur a plus de succès avec la terre cuite, matériau qui par nature permet un rendu plus souple et harmonieux. Enfin les racines nues rapidement modelées de l’arbre à droite de La Charité apparaissent aussi, réalisées avec plus de finesse, dans le piédestal naturaliste du Saint Michel.  
Sans sous-estimer la difficulté d’attribuer une nouvelle œuvre à un artiste encore aussi peu étudié et dont on ne connaît aucun autre modello en terre cuite, l’hypothèse que La Charité puisse effectivement être une œuvre de Giovanni Bellandi se consolide en observant les putti aux pieds de la Vierge de la chartreuse de Pavie de 1616 : proches parents des putti cités que Cerano modelait en stuc à Santa Maria presso San Celso, ils ont la même vitalité ébouriffée et la même physionomie loufoque et expressive de ceux du modello ici présenté.  
Susanna Zanuso

Scabellon
Ecole française du XVIIe siècle

Marbre blanc
Hauteur : 114 cm ; largeur : 57 cm ; profondeur : 57 cm

Bibliographie générale : Pierre Pradel, « Documents nouveaux sur le parc de Versailles », Bulletin de la société de l’histoire de l’art français, Armand-Colin, 1936, pp. 190-193. François Souchal, French sculptors of the 17th and 18th centuries, the reign of Louis XIV, vol. II, Oxford, Cassirer, 1981, p. 255.
Le modèle original de notre scabellon a été créé par l’agence des Bâtiments du Roi à destination du bosquet de l’arc de triomphe des jardins du château de Versailles. Il a été réalisé conjointement par Pierre Legros l’aîné (1629-1714) et Benoît Massou (1627-1684). Les deux sculpteurs ont collaboré à de nombreuses reprises sur le chantier de Versailles, notamment pour les dessus de porte de l’escalier des Ambassadeurs (1672-1679) et ceux de l’escalier de la Reine (1680) mais aussi pour les écoinçons du salon de la Paix (ca. 1680). A chaque fois, il s’agit de mêler deux techniques que sont celles du marbre et du bronze doré. Ce fut d’ailleurs aussi le cas pour les scabellons livrés au bosquet de l’arc de triomphe. Leur structure de marbre était ornée d’appliques en bronze doré comme en témoignent les dessins de l’agence des Bâtiments du Roi conservés à la Bibliothèque Nationale[1]. Le bosquet de l’arc de triomphe fut détruit en 1793[2] et les bronze furent sûrement démontés et fondus. D’ailleurs, les deux gaines conservées aujourd’hui dans les collections de Versailles[3] ne sont plus ornées de leurs bronzes mais portent des marques d’ancrage témoins de leur présence. Si notre exemplaire est identique en tous points sur l’iconographie (tritons et putti aux jeux d’eau) il existe toutefois quelques différences qui ne permettent pas de rattacher notre scabellon à ceux de Versailles. Premièrement, on ne remarque aucun point d’ancrage tout le long des parties plates sur lesquelles auraient pu prendre place les bronzes et deuxièmement, les astragales supérieurs et inférieurs sont entièrement nus et dépourvus d’ornements sculptés. Sur les modèles de Versailles, l’astragale supérieur comporte de larges feuilles d’aches tandis que l’inférieur est orné d’une rangée de feuilles d’acanthe. Ces différences font de notre gaine ou scabellon un exemplaire dérivé d’un modèle versaillais, sûrement réalisé par un sculpteur du XVIIe siècle français sans pouvoir avancer de nom plus précisément.

Paire de chapiteaux aux oiseaux et animaux fantastiques
Italie, XIe – XIIe siècles

Marbre blanc
H : 22 cm, L : 41,5 cm, P : 41 cm

Bibliographie contextuelle : Gérard de Champeaux, Dom Sébastien Sterckx, Introduction au monde des Symboles, Saint-Léger-Vauban, Zodiaque, 1980.
Cette paire de chapiteaux à motifs d’oiseaux et d’animaux fantastiques ailés nous transporte dans le monde roman. Très souvent l’association d’un oiseau (symbole de l’air) et d’un animal rattaché à la terre peut symboliser la dualité de l’homme : corps et esprit. Gérard de Champeaux et Sébastien Sterckx rappellent dans leur ouvrage fort documenté Introduction au monde des symboles, (p. 256) que les deux archétypes fondamentaux du psychisme humain [sont]: l'oiseau - ou plus précisément l'aile, la plume - et l'animal terrestre ; tous deux étant combinés autour du schème de la verticalisation pour exprimer le mystérieux composé qu'est l'homme : corps et esprit. L'art roman a hérité cet hybride imaginaire que lui léguaient les plus anciennes civilisations et tout incline à croire qu'il l'a souvent utilisé à son tour pour symboliser l'éternel mystère de l'homme. Le thème est complexe. Les églises romanes l'ont reproduit à des milliers et des milliers d'exemplaires... Dans notre exemple, cette dualité permanente dans le monde roman pourrait trouver une explication dans le combat entre le bien et le mal. L’oiseau étant symbole du bien alors que l’animal fantastique est en lien avec le monde sombre. L’utilisation du marbre blanc comme matériau pourrait, semble-t-il, rattacher le travail de sculpture à l’aire géographique italienne.

ALLÉGORIE DE L’AMÉRIQUE
FRANCESCO BERTOS
1678 - DÔLE - 1741

Marbre

H. 99 cm

Déjà connue (Avery, 2008, p. 185, cat. 54), cette représentation de l’Amérique s’insère parmi les singulières « machine allegoriche » issues du si original et énigmatique esprit créateur du sculpteur vénète Francesco Bertos.

D’une typique structure pyramidale, le marbre se compose d’une base circulaire sur laquelle se répartit, autour d’une sorte de tronc d’arbre, la représentation d’une scène qui, si elle n’est pas violente, est pour le moins curieuse. D’un côté nous avons un jeune homme nu à moitié allongé, le bras droit levé, la main tenant un poignard, assis sur une « lucerta » (ainsi que Cesare Ripa dans son Iconologia définit ce que la critique appelle généralement un « crocodile », c'est-à-dire l’attribut canonique de ce continent), qu’il vient de frapper mortellement, devine-t-on, comme pour la punir de la mort de l’enfant étendu à ses côtés ; de l’autre, en revanche, un autre enfant, nu et debout brandit des pierres que, dans un élan primitif, il s’apprête à jeter à la figure féminine (dont la main gauche tient ce qui était probablement autrefois un pieu pointu, la droite étant posée sur la partie visible d’un arc), juchée sur l’épaule d’un robuste barbu, lequel, un pied posé sur l’enfant mort et l’autre sur la jambe du jeune homme au poignard, brandit de la main gauche une sorte de bâton, tandis que l’autre, émergeant des plis d’un drapé tombant, soutient en s’appuyant sur sa colonne vertébrale la jeune femme déjà mentionnée. Face à lui, une autre figure masculine en pied, la jambe gauche bien tendue et posée à terre, la droite, au contraire, légèrement levée, est représentée tirant de la main gauche un pan de la draperie, tandis que la droite, le bras légèrement plié, semble serrer aussi une pierre légèrement acérée.

Faisant probablement partie d’une série d’allégories des continents – dont à notre connaissance subsiste seulement la représentation de l’Afrique (Avery, 2008, p. 185, cat. 53) – la sculpture ici présentée doit être comparée tant pour affinité stylistique que de composition au groupe de même sujet conservé, avec bien d’autres, au palais royal de Turin (idem, p. 183, cat. 50). Même si les différences entre les deux versions de l’Allégorie de l’Amérique sont évidentes, les tangences ne sont pas négligeables, par exemple entre la figure du jeune homme allongé avec le poignard de l’œuvre piémontaise et le nôtre : la pose est en fait la même, la description des traits physionomiques (le nez aquilin, les oreilles, le dessin des lèvres, etc.), comme le modelé de la musculature. Un autre point commun est en outre la figure du personnage debout avec la jambe droite levée et retenant de la main gauche le drapé de la figure féminine située au sommet de cette pyramide. Cette figure est importante dans la composition, car c’est la seule qui regarde vers le spectateur.

Comme on le sait, ce furent ces travaux ainsi que ceux réalisés en bronze qui rendirent Francesco Bertos « uomo celebre... solo nell’arte di simil genere » (Alice Binion, La Galleria scomparsa del Maresciallo Von der Schulenburg, Milan, 1990, p. 127-128). L’importance de ces paroles, de cette précise définition, tient au fait qu’elle est donnée par les rédacteurs des catalogues de la collection du maréchal von der Schulenburg, un des plus importants collectionneurs d’art vénitien du XVIIIe siècle. Sa collection, une des plus renommées d’Europe, comprenait pas moins de douze œuvres de Bertos, ce qui en fait le sculpteur le plus représenté.

Maichol Clemente

Bibliographie
Charles Avery, The Triumph of Motion : Francesco Bertos (1678-1741) and the Art of Sculpture, Turin, 2008.

FEMME ÉCRIVANT (CLIO, MUSE DE L’HISTOIRE ?)
ATTRIBUÉ À
FRANCESCO LADATTE
1706 - TURIN - 1787

Terre cuite Hauteur : 40 cm
Largeur : 26 cm
Profondeur : 19 cm

Cette délicate terre cuite, au canon allongé, rappelle le style du sculpteur franco-piémontais Francesco Ladatte, qui séjourne à Paris, faisant partie de la suite du prince de Carignan, remporte le prix de Rome en 1729 puis étudie à l’Académie de France à Rome. À nouveau parisien de 1734 à 1744, l’artiste est agréé à l’Académie en 1736 et en devient membre en 1741, présentant en guise de morceau de réception le groupe en marbre Judith (conservé au Louvre, esquisse en terre cuite au musée de Chambéry), d’une sinuosité très comparable à notre statuette. Nommé professeur adjoint, il expose régulièrement au Salon, travaille pour Versailles, mais l’œuvre la plus connue de sa carrière française est constituée des deux sculptures (en plâtre) ornant les autels du transept de Saint-Louis-en-l’Île à Paris, datées de 1741. En 1744, il s’installe définitivement à Turin, où il est nommé sculpteur de la cour, tout en continuant sa production de bronzes d’ornement, collaborant notamment, avec le célèbre ébéniste Pietro Piffetti, au cabinet de toilette de la reine, au palais royal de Turin. Le visage de notre personnage est très comparable à celui de la figure principale du groupe en terre cuite Le Triomphe de la Vertu, signé et daté de 1744 (Paris, musée des Arts décoratifs), ou bien aussi à celui de la gloire militaire, dans le groupe en bronze doré formant pendule Le Temps et la Gloire militaire (Turin, palais royal). Notre groupe serait donc à dater de la seconde période italienne de l’artiste.

CYBELE
JEAN-LOUIS AJON
1768- Toulouse- 1843

Terre cuite, peinte en gris

Hauteur : 40 cm
Largeur : 15, 7 cm
Profondeur : 9, 8 cm

Inscrit sur le devant de la base : « la terr », et signé sur un côté « ajon »

Cybèle, considérée comme la mère des dieux par les Anciens, est une divinité du Proche-Orient, déesse de la fécondité (illustrée ici par la corne d’abondance), également vénérée par les Grecs et les Romains. Sa tête est couronnée d’une muraille rythmée de tours, et elle détient les clés de la Terre, donnant accès à toutes les richesses.

Jean-Louis Ajon fut à l’Académie de Toulouse l’élève de François Lucas pour la sculpture, et de Jean Suau pour le dessin ; en 1786 il est élève à l’Académie de Paris et fréquente l’atelier du sculpteur Bridan. La Révolution le surprend dans la capitale, où il participe à la démolition de la Bastille, avant de revenir dans sa patrie pour tenter le grand prix. C’est dans cette ville que se déroulera toute sa carrière, et l’on peut citer des travaux pour l’église de la Dalbade (baldaquin, sous la direction de Pascal Virebent, et en collaboration avec Beurné et Vigan), de Notre-Dame de la Daurade (une Vierge Noire en 1806, puis le retable devant accueillir la Sainte Epine , sur dessin de Virebent, dont subsistent deux anges adorateurs, en bois doré, en 1812), Saint- Nicolas (un groupe représentant Notre-Dame de Pitié), Saint-Jérôme(la chaire, d’après un dessin de Virebent)et à la cathédrale (le ravissement de saint Augustin, et quatre trophées). On connaît également de lui une statuette en terre cuite représentant le dieu Mars, dument signée et titrée (comme la nôtre), conservée au Musée du Vieux-Toulouse (voir le catalogue Toulouse et le Néo-Classicisme, les artistes toulousains de 1775 à 1830, musée des Augustins, 1989-1990, pp.124-125). Les deux anges de bois doré, et le Mars de terre-cuite montrent bien cette corpulence assez robuste que l’on retrouve dans notre Cybèle. De par sa formation académique, Ajon connaissait bien les grands antiques sans être allé à Rome : on peut ainsi invoquer le Mars Ludovisi comme ascendant de celui du Musée du Vieux-Toulouse, et pour notre statuette la Cérès Mattei (pour l’allure générale) et la Flore Farnèse (pour l’idée de relever un pan de toge). L’inventaire après-décès d’Ajon, découvert par Jérôme Bouchet, que nous remercions, aux Archives départementales de Haute-Garonne (archives de Me Prouho), dressé le 3 octobre 1843, mentionne de nombreuses statuettes en plâtre ou terre-cuite, soit à sujets antiques (« la mort d’Achille en plâtre prisée dix francs », « le cheval Pégase en plâtre prisé trois francs », soit à sujets modernes (« deux petites statues représentant deux joueurs de vielle en terre cuite prisées trois francs »), mais aussi des portraits, des arts décoratifs (« douze corbeilles en terre cuite prisées quinze francs »), et religieux (dont « une statue en bois représentant notre dame la noire prisée quatre francs », modello possible de l’œuvre de la Daurade ?), ainsi qu’ « une vierge en marbre ayant la main gauche appuyée sur un vase prisée quarante francs », matériau assez rare dans la production toulousaine.

Trois « statue en terre cuite représentant Cérès » sont listées dans cet inventaire, la première prisée cinq francs, les deux autres quinze francs chacune : peut-on envisager que notre Cybèle, pourvue d’une corne d’abondance pouvant évoquer la déesse des moissons, soit l’une d’elles, « victime » d’une erreur d’interprétation ? Rien ne permet de l’affirmer (l’inventaire ne donne aucune dimension, ne mentionne pas d’éventuelles signatures, on suppose donc que les œuvres citées sont de l’artiste), mais il est tentant de le suggérer.

MASCARON
Johan Gregor Van der Schardt
(Nimègue, ca. 1530 – Danemark ap. 1581)

Bois polychrome ; hauteur : 53 cm ; largeur : 33 cm ; profondeur : 21 cm

Ce mascaron en bois polychrome à figure humaine, entourée d’un rang de perles, prise dans une large coquille et ornée de feuilles d’acanthe nous rapproche de l’aire géographique nordique et plus particulièrement de l’art de Johan Gregor Van der Schardt. Sculpteur né à Nimègue en 1530, Schardt fait un long séjour en Italie où il est documenté à Rome, Bologne et probablement Florence en 1560 puis à Venise en 1569. L’année suivante, il s’installe à Nuremberg où il travaille aux portraits en terre-cuite de Willibald Imhoff et de son épouse. Il se fait une spécialité de ces portraits en terre-cuite en développant des modèles en médaillons. De 1571 à 1576 il travaille pour Frédéric II de Danemark et pour l’empereur Maximilien II de Habsbourg. Il se réinstalle à Nuremberg en 1579 et crée son atelier.

Notre bas-relief décoratif en bois sculpté se situe plutôt dans l’entourage du maître en rappelant les formes fines et légères qu’il donne aux visages féminins comme dans le tombeau de Ingeborg Skeel (ca. 1545 – 1604) dans l’église de Voer à Vandsyssel au Danemark. On fera enfin remarquer que Van der Schardt a aussi participé à l’élaboration de l’épitaphe de la famille Rosenkrantz dans l’église d’Hornslet pour lequel les décors sont richement sculptés et foisonnants à l’image de notre mascaron.

Saint Georges terrassant le dragon
Ecole française méridionale du XVe siècle

Bas-relief, marbre

Hauteur : 64,2 cm, Largeur : 104 cm, Profondeur : 8,2 cm

Ce grand et massif bas-relief en marbre trouve sûrement ses origines dans la sculpture du Sud de la France à la toute fin du XVe siècle. La croix occitane qui figure sur l’écu du cavalier est le symbole rassemblant l’ensemble des régions parlant la langue romane, ce qui n’exclu pas quelques zones géographiques de l’Espagne (vallées de Catalogne) ou de l’Italie (vallées du Piémont italien). Cette même croix a toutefois été, du XIe au XIIIe siècle, l’emblème des Comtes de Toulouse avant de devenir le symbole de toute la région méridionale de la France comprenant la Provence, l’Occitanie, jusqu’à une partie de l’Aquitaine. C’est sûrement dans la partie Occitane de la France qu’il faut rechercher les origines de ce beau bas-relief.

Médaillon représentant le Grand Dauphin
Marbre blanc sur plaque de marbre bleu turquin
H : 58 cm ; L : 46 cm

France, début du XVIIIe siècle

TÊTE D’HOMME PORTANT UN TORQUE
Pierre calcaire
h : 41 cm : l : 26 cm ; p : 33 cm

Art Celto-Gaulois
ca. IIe siècle av. J-C

CLÉOPÂTRE MOURANT
IGNAZIO ET FILIPPO COLLINO
TURIN 1724/1793 - TURIN CIRCA 1737/1800

Marbre de Pont
Hauteur : 50 cm
Largeur : 61 cm
Profondeur : 30 cm

Figures clés pour les débuts de la sculpture néoclassique en Italie, les frères Ignazio et Filippo Collino travaillent constamment en collaboration, signant presque toujours de façon conjointe leurs oeuvres. Si les documents et les sources les plus anciennes (par exemple Elogio del Collino, de Giuseppe Vernazzano en 1793) semblent donner une sorte de primauté à Ignazio, il n’est toutefois pas toujours facile de distinguer l’oeuvre des deux frères en l’absence d’un noyau d’oeuvres signées ou documentées isolément. Après un apprentissage chez le peintre Claudio Beaumont et le sculpteur Francesco Ladatte, Ignazio se rend à Rome en 1748, suivi en 1753 par Filippo. Là, les deux sculpteurs étudient chez Giovanni Battista Maini, se consacrant surtout aux copies d’antiques destinées à la cour de Savoie. Nommés académiciens de Saint Luc respectivement en 1760 et 1763, Ignazio et Filippo quittent Rome en 1767 pour rentrer définitivement à Turin où, devenus sculpteurs de la cour, ils réalisent des oeuvres dans lesquelles survivances baroques et innovations néoclassiques se mêlent de façon assez originale : citons à titre d’exemple le monument à Charles Emmanuel III de la basilique de Superga (1786), et les deux marbres représentant un prêtre et une prêtresse envoyés en cadeau en 1785 à Ferdinand IV de Bourbon à Naples (autrefois Londres, Heim).

Vénus sortant du bain
Bronze doré sur socle en malachite
h : 14 cm : l : 10,5 cm ; p : 7 cm

France, XVIe siècle